NFT et photo : OPPORTUNITÉ ou ARNAQUE polluante ?

Les NFT sont-ils enfin le moyen pour des artistes de vivre de leur travail ou une grosse arnaque spéculative polluante ? Contribuent-il a démocratiser l’art ? Permettent-ils à de nouveaux artistes d’émerger ou renforcent-ils au contraire la domination des artistes déjà en place ? Je vais essayer de répondre à toutes ces questions.

Qu’est-ce qu’un NFT ?

Déjà, qu’est-ce que c’est un NFT ? Un NFT, ou Non Fongible Token, jeton non fongible, sont en gros des jetons uniques qui servent de certificats d’authenticité numérique. Les NFT sont associés à une œuvre numérique comme une photo par exemple et vendus sur des places de marché spécialisées là-dedans. Mais c’est bien le NFT, le certificat qui est vendu, pas l’œuvre elle-même, puisqu’il s’agit simplement d’un fichier JPEG que n’importe qui peut récupérer ; ni ses droits. Si vous achetez un NFT sur une plateforme, vous achetez la preuve que CE jpeg sur CETTE plateforme est à vous.

Dans la suite de la vidéo je vais parler de NFT pour les photographes, mais en fait tout ce que je vais dire s’applique à tous les artistes visuels, et même à quasiment tous les types d’artistes dont les œuvres peuvent être numérisées.

Une nouvelle source de revenu pour les photographes

On va commencer par les points positifs des NFT et en premier par le gros point positif des NFT pour les photographes auteurs : c’est une source de revenu potentiel supplémentaire. C’est très compliqué de vivre de son travail en tant que photographe auteur, et à part une toute petite poignée de photographes connus, l’immense majorité des photographes auteurs et autrices vivent d’autre chose. Donc avoir une autre source de revenu potentiel est bien sûr une bonne nouvelle. Est-ce que ce nouveau marché va cannibaliser celui des tirages ? Probablement pas ou peu, il ne s’agit sans doute pas du même public entre un acheteur de NFT et quelqu’un qui achète généralement des tirages papier. De plus, certaines plateformes d’échange de NFT permettent même aux artistes de toucher un pourcentage sur chaque vente du NFT réalisé sur la plateforme, même lors des ventes secondaires. C’est à dire lorsqu’il s’agit de vente entre d’autres acheteurs et vendeurs et plus du tout par le créateur du NFT. Ce qui peut s’avérer particulièrement intéressant si son NFT prend de la valeur, ce qui peut facilement arriver dans cet environnement très spéculatif. Donc oui, les NFT sont une source de revenu potentiel supplémentaire pour les photographes auteurs. Et vu l’état actuel des NFT, ça peut même devenir une source de revenus importante. Enfin pour certains en tout cas, comme on le verra tout à l’heure.

Autre point positif à noter : cela permet à des artistes de se faire connaître, via les plateformes de vente de NFT. Bon là dessus, il faut quand même pas s’emballer, les plateformes proposent très peu de mécaniques de découverte, et l’essentiel du trafic vient de l’extérieur. Une fois qu’un artiste a réussi à vendre un NFT, alors il a plus de chance d’en vendre d’autres, via son profil ou via les collections. Mais si là vous ou moi on met des photos à vendre sur un site de NFT sans rien faire d’autre, a peu près aucune chance que ca se vendent.

Les problèmes que les NFT ne résolvent pas

Avant de voir les problèmes que posent les NFT, on va voir les problèmes que les NFT ne résolvent pas, parce que contrairement à ce qu’on peut parfois lire, les NFT ne résolvent aucun problème que rencontrent les photographes.

Le premier problème auquel les NFT ne changent rien, c’est les questions de droit d’auteur, contrefaçon, de vol de photo, etc. Mettre une photo sur un site de NFT n’empêche en rien quelqu’un de la télécharger, de la mettre sur son site, de l’imprimer, d’en faire une utilisation commerciale, etc. Pire encore, ça ne prouve même pas que celui qui a mis en vente une photo en est l’auteur. Et il y a énormément de problème de contrefaçon sur les sites de NFT. De nombreux artistes retrouvent leurs œuvres sur les plateformes de NFT, parfois vendus très chers, sans qu’ils n’aient donné leur accord et sans qu’ils en touchent le moindre euro.

Les systèmes de blockchain permettent le plus souvent de garantir la validité informatique d’une transaction, mais ne prouvent en rien la validité légale de cette transaction : est-ce que le vendeur est bien propriétaire de ce qu’il vend ? Est-ce que l’acheteur était consentant ou est-ce qu’il a été contraint ou piraté, etc. Ces problèmes ne sont pas propres aux NFTs, mais ils ne sont pas non plus résolus par les NFT. Et pire encore, vu l’absence de la moindre régulation des NFT, ils sont bien plus importants que dans les transactions classiques ou de nombreux systèmes et juridictions protègent tous les acteurs.

Autre problème courant pour les artistes visuels : la difficulté d’accéder aux galeries, et donc aux acheteurs potentiels de leurs œuvres. Se faire une place dans le monde de la photo c’est compliqué, les petites galeries ont peu d’audience et cette audience n’est pas prête à payer cher, et à l’opposé les grandes galeries ont un public important et prêt à payer plus cher, mais elles sont inaccessibles sauf aux artistes déjà reconnus. Grâce au côté dématérialisé des NFT, tout ça c’est fini, n’importe qui peut finalement créer sa galerie en ligne et devenir rapidement célèbre et riche !

Bon sauf qu’en fait comme je le disais tout à l’heure, si vous n’êtes pas connu avant, très peu de chance de vendre le moindre NFT. Toutes les histoires de photographe qui ont gagné de l’argent en vendant des NFT que j’ai entendu sont des photographes qui avaient déjà une grande renommée ou une audience avant. Il est possible que certains artistes peu connus aient réussi à sortir du lot sur les plateformes de NFT, mais ça n’a vraiment pas l’air fréquent.

Pire, certaines places de marchés de NFT assez cotées ne fonctionnent que par cooptation, c’est à dire qu’il faut y être invité par quelqu’un déjà présent sur la plateforme. Un peu comme dans la vraie vie finalement, où le réseau joue énormément.

Les problèmes que posent les NFT

On a vu les bénéfices – enfin le bénéfice – que pouvaient apporter les NFT, on a vu les problèmes auxquels les NFT ne résolvaient pas, on va voir maintenant les nouveaux problèmes que posent les NFT.

Les NFT sont super polluants

Le premier problème, et de très loin pour moi, c’est que les NFT sont une catastrophe écologique. Les NFT reposent tous sur les cryptomonnaies, et les principales cryptomonnaies sont super polluantes. Toutes les places de marché majeures utilisent comme monnaie l’ethereum, dont la création est basé sur ce qu’on appelle la preuve de travail, c’est-à-dire sur la puissance de calcul informatique. Pour créer de l’ethereum, le “miner” comme on dit, il faut faire tourner des ordinateurs pour faire plein de calculs. Ça pourrait être autrement, peut-être que la prochaine version de l’ethereum sortira pour de vrai un jour et n’utilisera plus la preuve de travail, peut-être que des places de marché NFT basées sur des crypto moins polluantes vont émerger, etc. etc. Peut-être, mais il y a quand même des bonnes chances que non. Les alternatives aux crypto-monnaies basées sur la preuve de travail répondent au problème de la consommation d’énergie, mais posent aussi plein d’autres problèmes, donc rien ne dit que cela fonctionnera. Mais là on sort vraiment du sujet de la vidéo. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui là en vrai, pas dans un futur hypothétique, les NFT utilisent l’Ethereum et l’Ethereum consomment beaucoup d’électricité, électricité produite majoritairement par des centrales à énergie fossile.

Les estimations de la consommation réelle des crypto monnaies sont très variables selon les études, mais même dans les plus basses estimations, la consommation d’énergie des cryptos est colossale pour un nombre de transactions très faible. Et encore une fois, comme vu avant, en ce qui concerne les NFT en photos, pour faire des choses que l’on peut faire sans les crypto. 

Mais les NFT on ça de pire que les plateformes obligent les artistes (ou les voleurs) à “minter” leur NFT avant de pouvoir vendre leur premier NFT. Donc même si le NFT ne se vend pas, il a déjà indirectement pollué !

Quelques gagnants et beaucoup de perdants

Si on regarde les chiffres disponibles sur le prix de vente moyen d’un NFT, ça fait rêver, puisqu’on parle d’un prix de l’ordre de plusieurs centaines d’euros. Mais la moyenne n’est vraiment pas le bon chiffre à regarder, parce que quelques NFT se sont vendu des fortunes ça tire vraiment la moyenne vers le haut, alors qu’à côté de ça beaucoup se vendent vraiment pas chers ou surtout … ne se vendent pas du tout !

Et une autre conséquence du fonctionnement des plateformes de vente de NFT : mettre en vente un NFT, ça coûte de l’argent, et ça coûte même assez cher. Comme le prix est basé sur le cours des cryptomonnaies et de l’énergie, il est très variable, mais il tourne généralement entre quelques dizaines et quelques centaines d’euros pour son premier NFT. Et comme énormément de NFT ne se vendent simplement pas du tout, beaucoup d’artistes vont même y perdre de l’argent, sans parler du temps à configurer tout le bordel de crypto-monnaie pour que ça soit un minimum sécurisé.

Donc il y a clairement des artistes, dont des photographes, qui ont gagné de l’argent avec des NFT ; les exemples ne manquent pas, certains même des fortunes, indéniablement. Mais derrière il y a aussi beaucoup d’artistes qui gagnent peu, et même beaucoup qui perdent de l’argent en se lançant là-dedans. 

NFT et contrefaçons

J’en ai parlé vite fait tout à l’heure, mais je vais développer un peu plus un autre gros problème des NFT : la contrefaçon. Pour rappel, quand on achète un NFT, on n’achète uniquement le certificat inscrit dans la blockchain, jamais l’œuvre elle-même. Et il est possible de générer un NFT à partir de n’importe quel fichier numérique, que l’on en soit l’auteur ou non. Et c’est un autre gros problème posé par les NFT : aujourd’hui de nombreux artistes retrouvent leurs œuvres sur les plateformes de NFT, sans leur accord et sans qu’ils gagnent d’argent dessus alors que d’autres se font de l’argent dessus. Ce qui est un peu juste la définition de la contrefaçon.

Alors les faux dans l’art existent depuis toujours, mais pour les œuvres physiques les choses sont nettement différentes : selon la nature de l’œuvre, faire un bon faux n’est pas toujours évident, les risques sont grands pour les vendeurs comme pour les acheteurs, et pour les victimes les recours juridiques existent. Ils peuvent être lourds et longs, mais au final un artiste lésé a de bonnes chances d’obtenir une réparation à la hauteur du préjudice subi. Parce que tout ça est très réglementé dans chaque pays et qu’il y a de nombreux accords internationaux sur les questions des droits d’auteurs.

Je ne dis pas que c’est parfait, mais au niveau des NFT par contre, on est juste complètement hors du droit d’auteur et hors du droit tout court. Les cas de vols d’œuvres, d’artistes connus comme inconnus sont nombreux. Et aujourd’hui c’est extrêmement compliqué pour un artiste de faire retirer un NFT d’une œuvre dont il est l’auteur, et impossible d’obtenir réparation ou une rémunération pour l’utilisation qui a été faite de son œuvre. Pour une technologie qui promet d’aider les artistes, on a vu mieux. 

L’origine de l’argent des NFTs

Dernier problème, qui est un problème général avec les crypto-monnaies, c’est la question de l’origine de l’argent. Vu le fonctionnement des cryptomonnaies, peu régulées et facilement anonymes, c’est devenu l’outil idéal pour de l’évasion ou de la fraude fiscale, mais aussi même pour de nombreux criminels pour blanchir de l’argent obtenu illégalement. Par exemple, avant c’était hyper compliqué pour des criminels de récupérer une rançon sans se faire choper, et ensuite de la dépenser. Avec les cryptomonnaies, les rançons sont payables en bitcoin ou maintenant souvent en Ethereum et offrent une grande sécurité pour les criminels et un blanchiment super facile ensuite… par exemple en spéculant sur des NFT. Est-ce que tout l’argent autour des NFT vient du crime ? Évidemment que non, loin de là. Mais est-ce qu’une petite partie oui ? Sans aucun doute.

Conclusion

En conclusion, est-ce qu’il y a des opportunités dans les NFT en tant que photographe ? Oui clairement, surtout si vous êtes déjà connu, il y a moyen de se faire de l’argent, peut-être même beaucoup d’argent. A condition bien sûr de ne pas être trop regardant sur le désastre écologique que ça produit ni sur l’origine de tout cet argent.

En tant qu’amateur de photo ?

Et en tant qu’amateur de photo, faut-il soutenir ses artistes favoris en achetant leur NFT ? Le système de génération de revenu pour l’artiste à chaque revente que propose certaines places de marché peut être intéressant, mais il faut quand même noter qu’il existe aussi pour les œuvres d’art physique, comme les tirages photo – ça s’appelle le droit de suite. De ce que je vois des achats de NFT, c’est au doigt mouillé, 2% de soutien et 98% de spéculation, avec des NFT revendus très rapidement après l’achat. Moi si j’aime un photographe je vais acheter ses tirages ou ses bouquins, et les garder. Si je change d’avis je vais peut-être les revendre dans quelques années, probablement environ au même prix, sauf surprise. Si on achète quelque chose dans le but de le revendre plus cher plus tard, ça s’appelle de la spéculation. 

Ce qui m’amène à la deuxième question qu’on peut se poser en conclusion : est-ce qu’il faut investir dans les NFT ? Et franchement, j’en sais rien, je suis pas spécialiste en investissement financier, en bulle spéculative, en système de Ponzi, en blanchiment d’argent ou en destruction accélérée de la planète. A vous de voir.

Voilà, je vous mets quelques liens pour approfondir le sujet en description de vidéo, n’hésitez pas à en discuter de manière constructive et cordiale en commentaire et moi je vous dis à dans quelques mois pour la prochaine vidéo !

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